Audiences filmées : le décret est paru

Si le principe reste l’interdiction d’enregistrer et de filmer les audiences, la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 a introduit un nouveau régime d’autorisation d’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences judiciaires et administratives « pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique » en vue de leur diffusion. Ce nouveau régime dérogatoire répond à la volonté d’ouvrir les prétoires aux caméras pour montrer comment fonctionne la justice du quotidien, loin des grands procès médiatiques, et sans verser dans la justice spectacle ou le voyeurisme.


Ce que prévoit la loi
. Pour mémoire, la loi prévoit que cette captation sonore ou audiovisuelle ne doit pas venir perturber les débats – et, en particulier, les échanges client-avocat – et que le président de l’audience peut décider d’interrompre l’enregistrement à tout moment. En ce qui concerne la captation, les parties – professionnels et justiciables – ne peuvent pas s’y opposer lors des audiences publiques mais doivent avoir donné leur accord lors des audiences non publiques. En ce qui concerne la diffusion, qui ne peut avoir lieu qu’une fois la décision définitive, il faut recueillir le consentement des parties et ensuite occulter tous les éléments d’identification des personnes qui ne n’ont pas consenti à la diffusion. Ceux qui ont donné leur accord disposent quant à eux d’un droit de rétraction pendant quinze jours. Enfin, en vertu du droit à l’oubli, tous les éléments d’identification des personnes doivent être occultés au bout de cinq ans (y compris pour celles qui avaient donné leur accord pour la diffusion).


Plusieurs précisions et des formulaires-types
. Le décret d’application et l’arrêté qui contient les annexes et les formulaires types, publiés au Journal officiel du 1er avril 2022, viennent préciser le cadre légal qui entoure ce nouveau dispositif. Les demandes d’autorisation d’enregistrement doivent être adressées au ministère de la Justice pour que le garde des Sceaux puisse donner son avis, mais c’est le premier président de la cour d’appel visée qui sera décisionnaire, après avoir recueilli l’avis du parquet et du chef de juridiction concernés. Le recueil du consentement des parties est à la charge de ceux qui réalisent le tournage, avec les formulaires-types prévus à cet effet. La Chancellerie, qui entend disposer d’un droit de regard sur le montage final, souhaite que les conventions signées avec les sociétés de production prévoient un visionnage technique du montage final par ses services avant toute diffusion. L’objectif pédagogique de ces enregistrements implique la présence d’éléments de description et d’explication – il ne pourra pas y avoir de diffusion brute de l’audience – et les parties de la captation non utilisées dans le montage ne pourront pas être conservées. Au Conseil d’État et à la Cour de cassation, l’avis des parties devra être recueilli avant l’audience, laquelle pourra être diffusée avec un léger différé le jour même. Enfin, il est rappelé que l’enregistrement de l’audience ne constitue pas un acte de procédure.


Sur France Télévision, dès cet automne
. La Chancellerie a signé une première convention avec France Télévision, qui souhaite rapidement mettre en place une émission récurrente – une sorte de rendez-vous avec la justice – sur tous types d’audiences du quotidien. Les premiers enregistrements devraient démarrer dans les semaines qui viennent, pour un début de diffusion à partir de septembre prochain, probablement sur France 3. Le cabinet du garde des Sceaux a déjà pris contact avec des cours d’appel, dont celle d’Aix-en-Provence.


Miren Lartigue

 

D. n° 2022-462, 31 mars 2022, pris pour l’application de l’article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : JO, 1er avr. 2022 ;

A., 31 mars 2022, fixant les modèles de formulaires prévus par le décret n° 2022-462 du 31 mars 2022 pris pour l’application de l’article 1er de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : JO, 1er avr. 2022