Le 12 juin 2025, le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la loi Narcotrafic mais a censuré six dispositions qu’il a jugées contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, dont celle permettant de fonder une condamnation pénale sur des éléments de preuve versés dans un « dossier coffre » et celle imposant la visioconférence pour la comparution des personnes placées dans les prisons de haute sécurité.
Saisi de 38 des 64 articles que compte la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic par les députés LFI et le groupe parlementaire Écologiste et social, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision ce 12 juin 2025. À cette occasion, les Sages ont censuré six dispositions.
Accès au BDD fiscales. Ils ont d’abord déclaré inconstitutionnel l’article 5, qui permettait aux services de renseignement dits du « premier cercle » d’accéder directement aux bases de données fiscales, estimant que cette mesure portait une atteinte excessive au droit à la vie privée en l’absence de garanties suffisantes.
Traitement algorithmique des URL. Le Conseil constitutionnel a également censuré l’article 15, qui autorisait notamment le traitement algorithmique des URL pour détecter des comportements suspects en lien avec la criminalité organisée. Il a jugé que ce dispositif, mal encadré, permettait une surveillance de masse contraire aux libertés individuelles. À noter qu’il a également censuré les dispositions de l’article L. 851-3 du Code de la sécurité intérieure, relatives aux URL, que cette disposition complétait.
Port d’arme. L’article 19 a aussi été annulé car il prévoyait une aggravation automatique des peines de prison en cas de simple port d’arme lors d’une infraction, même sans usage, ce que les Sages ont considéré comme manifestement disproportionné.
Dossier coffre. Le Conseil a par ailleurs partiellement censuré l’article 40, qui permettait de fonder une condamnation pénale sur des éléments de preuve versés dans un « dossier coffre », donc inaccessibles aux avocats, en violation du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire. Il a cependant déclaré conforme à la Constitution les nouveaux articles 706-104 et 706-104-1 du Code de procédure pénale, qui permettent de verser des éléments dans ce dossier pour orienter l’enquête. Le premier pose le principe du recours au « dossier coffre », sur autorisation du JLD, dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction portant sur certaines infractions relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées, et le second précise les conditions dans lesquelles l’ajout d’informations à ce dossier peut être contesté, ainsi que celles dans lesquelles les preuves obtenues par une technique spéciale d’enquête peuvent y être utilisées.
Prolongation des GAV. Les Sages ont aussi invalidé l’article 55, qui permettait une garde à vue prolongée (96h) pour des délits de corruption, considérant que ces infractions ne justifiaient pas un régime aussi dérogatoire.
Visioconférence. Enfin, le Conseil a partiellement censuré l’article 56, qui imposait le recours à la visioconférence pour la comparution des personnes placées en quartier de lutte contre la criminalité organisée, estimant que cela portait une atteinte excessive au droit à une comparution physique devant le juge.
Réserves d’interprétation. En complément, le Conseil constitutionnel a assorti plusieurs articles de réserves d’interprétation. Il a ainsi précisé que les fermetures administratives de lieux devraient être strictement nécessaires et proportionnées, en particulier lorsqu’elles concernent des lieux de culte ou associatifs. Il a limité le recours à l’activation à distance d’appareils électroniques aux infractions les plus graves, commises en bande organisée et punies d’au moins cinq ans de prison. Il a également encadré strictement les conditions dans lesquelles des fouilles intégrales peuvent être pratiquées en détention, afin de garantir le respect de la dignité humaine. Enfin, il a subordonné le retrait de contenus en ligne à la condition que leur caractère illicite soit manifeste, pour éviter une atteinte excessive à la liberté d’expression.
Le 5 juin 2025, le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution la loi organique fixant le statut du procureur de la République anti-criminalité organisée.
La Rédaction