Les bâtonniers ont transmis au CNB une proposition de modification du RIN prohibant le port de signes manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique ou politique.
Les bâtonniers ne veulent autoriser aucun signe distinctif sur le costume professionnel de l’avocat. Lors de son assemblée générale du 22 septembre 2022, la Conférence des bâtonniers a en effet adopté et transmis au Conseil national des barreaux (CNB) une proposition d’article à insérer dans le Règlement intérieur national (RIN), libellée en ces termes : « L’avocat ne peut porter avec la robe aucun signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique ou politique ». « Notre volonté était que les bâtonniers puissent s’exprimer et prendre position, ce qu’ils ont fait en souhaitant avoir une règlementation sur le sujet et en proposant un texte », explique le président de la Conférence des bâtonniers, Bruno Blanquer.
Règles disparates. Le débat sur le port de signes religieux, qui existe au sein de la profession d’avocat depuis de nombreuses années, a été relancé en 2022 à la suite de deux événements. Tout d’abord, en janvier, lors de la rentrée de l’École de formation des barreaux (EFB), une élève-avocate a été priée d’enlever son voile au moment de la prestation du petit serment, ce qui a provoqué une polémique sur les réseaux sociaux (GPL 11 janv. 2022, n° GPL430v5). Ensuite, le 2 mars, la Cour de cassation a rendu un arrêt énonçant que les ordres étaient compétents pour édicter des règles en la matière, à défaut de prise de position du CNB dont la mission historique est d’unifier les règlements au sein du RIN (Cass. 1re civ., 2 mars 2022, n° 20-20185 : GPL 12 avril 2022, n° GPL434q1). Ce dernier étant silencieux sur le sujet, les bâtonniers ont décidé de prendre la Cour de cassation au mot et de s’en saisir. Un travail d’autant plus attendu au sein des barreaux que les règles les plus disparates coexistent, laissant certains conseils de l’ordre démunis sur l’attitude à adopter. « En avril, nous avons recensé les règlements intérieurs des barreaux. Sur les 58 barreaux qui ont répondu, 28 n’avaient inséré aucune clause sur le sujet, 8 règlementaient le port de la robe sans viser les signes religieux, et 28 avaient inséré une clause règlementant le port de signes distinctifs sur la robe », relate Bruno Blanquer
Procès équitable. Pourquoi avoir choisi d’interdire tout signe d’appartenance religieuse, politique ou philosophique ? « Le costume de l’avocat à l’audience doit être neutre pour garantir l’égalité des justiciables et le droit à un procès équitable. Au sein d’un tribunal, l’avocat ne doit pas porter d’autres paroles que celles de son client », justifie Bruno Blanquer. Et de préciser : « Nous avons souhaité que la règlementation proposée respecte pleinement les deux critères retenus par la Cour de cassation, à savoir absence de discrimination et caractère proportionné. Pour cette raison, il a été décidé de limiter celle-ci au port de la robe à l’audience ».
Réflexion. Conformément au vote des bâtonniers, la Conférence a transmis sa proposition au CNB. Lequel n’est pas si pressé de prendre position sur le sujet. Il y a quelques semaines, son bureau a en effet demandé au conseiller d’État Christian Vigouroux de mener une réflexion sur la question du costume professionnel. « L’idée est d’externaliser et de nous aider à réfléchir », explique le président du CNB Jérôme Gavaudan. « Nous voulons avoir un vrai débat, avec un raisonnement juridique, collectif et même sociologique ». Les conclusions sont attendues courant 2023. Pour autant, Bruno Blanquer se défend d’avoir voulu court-circuiter l’institution représentative des avocats avec la motion du 22 septembre. « Le CNB est dans son rôle en voulant être exhaustif et en s’entourant d’avis, assure-t-il. Les ordres appliqueront le RIN quand une décision aura été prise et leur règlement intérieur dans l’intervalle, avec bien évidemment à leur côté la Conférence des bâtonniers, dont la fonction est de recueillir leur voix et de la porter au CNB, surtout sur un sujet comme celui-ci, qui est ordinal par excellence ».
Laurence Garnerie